Talking With Strangers - Reviewed by PA for Harmonie Magazine (French)


Judy DYBLE « Talking with strangers »  42’23

Talking With Strangers Album CoverLa liste des participants à l’album pourrait suffire à en render compte, et ferait saliver tout amateur des années 70: Ian Mc Donald (KING CRIMSON, FOREIGNER) promène sa flûte sur « Jazzbirds » et son ukulele sur « Harpsong », se retrouvant ainsi en compagnie de Robert Fripp pour la première fois depuis fort longtemps ( !). Simon Nicol (FAIRPORT CONVENTION), Julianne Regan (ALL ABOUT EVE), Jacquie McShee (PENTANGLE), Célia Humphris (TREES), Alistair Murphy (CROMER MUSEUM), Pat Mastelotto, John Gillies sont également de la partie.

C’est que Judy Dyble, la soixantaine rayonnante, est tout sauf une inconnue dans le petit monde du rock. Après trente ans de silence « la musique a dit mon nom » à nouveau (dit le beau texte autobiographique, écrit et chanté par Judy, qui accompagne les 19 minutes de « Harpsong »). On ne saurait trop vous recommander la fréquentation du beau site internet de la dame, www.judydyble.com, qui montre qu’une fréquentation assidue et professionnelle des livres lui a donné un joli brin de plume, sensible et très féminin – à l’image de sa voix. Judy a, dans une autre vie, accompagné les débuts de FAIRPORT CONVENTION, puis travaillé avec Fripp, Mac Donald et Giles juste avant qu’ils ne deviennent KING CRIMSON, puis au sein du duo TRADER HORNE. Elle a ensuite quitté la scène musicale pendant trente ans, est devenue libraire et mère de famille. Apparemment un des détonateurs de son retour à la musique a été la double invitation de FAIRPORT CONVENTION lors de deux de leurs concerts anniversaires. Trois albums suivirent, mais celui-ci est d’un tout autre calibre. Il a été conçu et composé par Judy, Alistair Murphy, et Tim Bowness, bien connu de nos services pour les méfaits commis avec Steven Wilson au sein de NO MAN. Et la production de cet album est absolument étonnante de netteté, de clarté et de précision. La voix de Judy, dont la fragilité et l’extrême sensibilité, évoquent parfois Annie HASLAM (RENAISSANCE), est tout à fait unique. Cet album à forte dominante acoustique pourrait être qualifié si l’on tient absolument aux étiquettes de folk progressif, mais à vrai dire c’est un univers tellement personnel, intime, intense, qu’on répugne à le rapprocher d’autre chose. Le piano et la guitare y tiennent le premier plan, accompagnés de chœurs vaporeux, de flûte vagabonde, de cordes… Après six chansons limpides et dépouillées « Harpsong » laisse abasourdi, prenant les mêmes recettes mais en démultipliant les chœurs, les cuivres, les nappes, en une autobiographie musicale d’une sensibilité frémissante, d’une richesse harmonique et mélodique indicibles. Dans le registre de l’ « epic » on n’a rien entendu d’une telle perfection sonore depuis des lustres. La combinaison d’une production moderne, impeccable, et d’une inspiration ancrée dans l’ âge d’or du folk et du rock, sont irrésistibles pour tout amateur de rock progressif. « Harpsong » devient d’ailleurs peu à peu fiévreux, au point d’évoquer fugacement le VDGG des early seventies et son saxophoniste dément, avant de s’apaiser pour un final ouaté, apaisé et apaisant. C’ est une musique sans âge, d’une délicatesse absolue, qui sert d’écrin à une voix émouvante et chaleureuse à la fois. On a l’impression, après l’écoute, d’avoir conversé en toute intimité –et en toute simplicité- avec une grande dame. Sûrement un des albums de l’année.                                                                                                                                                P.A.